La fin de la bataille juridique pour RIM et NTP

Télécoms : Le litige entre NTP et RIM s'est finalement soldé par un accord à l'amiable. RIM versera donc plus de 600 millions de dollars à NTP qui revendiquait depuis plusieurs années la propriété de bon nombre de brevets utilisés dans la technologie BlackBerry.

Par Pierre-Edouard Laurent

  • 3 min

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Les revirements, suspenses et autres rebondissements auront ponctué le duel RIM/NTP. Au terme de cinq saisons, la comédie technico-judiciaire s’est achevée par un dernier deus ex machina. Alors que tout laissait croire que le géant canadien voulait mener une guerre d’usure au petit américain à grand renfort d’avocats, David a triomphé de Goliath. RIM a sauvé son BlackBerry en s’allégeant quelques millions de dollars.

Chronologie des événements

NTP (New Technology Products) porte plainte en 2001 contre RIM (Research In Motion) pour violation de brevets dans la technologie BlackBerry. Entre les tribunaux américains et le bureau des brevets américain (U.S. Patent and Trademark Office), l’inventeur du BlackBerry (terminal mobile dédié aux emails) a fait feu de tout bois pour apaiser la cupidité de NTP, rassurer ses actionnaires et utilisateurs, et démontrer sa bonne foi. Lors de l’audience du 24 février dernier, les analystes estimaient que la justice américaine allait enfin clore ce dossier. C’était sans compter sur un ultime coup de théâtre. En charge du dossier, le juge James Spencer a en effet refusé de statuer. Il n’a donc pas accordé d’injonction (suspension du service et de la vente de terminaux BlackBerry sur le territoire américain), ni octroyé à NTP les 126 millions de dollars de dommages escomptés pour l’utilisation passée de ses brevets. En fin d’audience, Spencer avait même fait part de son étonnement de voir une affaire de cette nature portée devant les tribunaux, estimant qu’un règlement à l’amiable aurait été bien plus approprié…

Cette frilosité du juge américain s’explique par le fait que l’affaire RIM dépasse le cadre de la propriété intellectuelle puisqu’elle affecte également l’économie et l’organisation d’un pays. Le terminal BlackBerry est répandu auprès de 4 millions d’américains (le marché étasunien représente 70% de son chiffre d’affaire), dont nombre de dirigeants économiques ou même de responsables politiques (notamment parmi la Maison Blanche). Ce terminal email et voix a même été surnommé Crackberry outre atlantique, comme pour souligner son caractère addictif… Research In Motion est bien conscient de sa puissance auprès des décideurs économiques et politiques et n’a pas manqué de le faire savoir. Ainsi la firme a argué, par le biais de son avocat Henry Bunsow qu’en cas de suspension de son service, il serait difficile de fournir sans préjudice, une solution alternative au million d’employés du gouvernement américain utilisant un BlackBerry. L’avocat a même amusé le juge en déclamant comme une tragédie qu’une injonction « aurait un effet catastrophique et secouraient les civilisations occidentales ». Le DOJ (Departement Of Justice), par la voix de John Fargo avait déjà enfoncé le clou plus tôt en redoutant qu’une suspension de ce service de messagerie mettrait en danger la sécurité nationale.

Risque calculé

Après l’audience, des spécialistes des brevets s’accordaient à dire qu’une injonction n’était pas exclue. Certains, comme Paul Andre, expert en propriété intellectuelle à la Silicon Valley l’annonçait même comme imminente. Une catastrophe pour l’image de RIM, même si ce dernier assurait qu’en recourrant à sa plate-forme BlackBerry Multi-Mode Edition, il pouvait se passer des technologies revendiquées par NTP. Dans le même temps, le bureau des brevets américain avait invalidé un brevet revendiqué par NTP. RIM a néanmoins connu un fléchissement de ses ventes au dernier trimestre 2005 en totalisant environ 620 000 nouveaux abonnés contre les 700 000 prévus. Le constructeur a manifestement voulu ménager ses utilisateurs et le marché boursier en donnant une grosse enveloppe à NTP. 612,5 millions de dollars, tel est le prix de la tranquillité.

Certes, l’année dernière RIM avait déjà proposé 450 millions de dollars à NTP pour exploiter les licences de ses brevets mais la proposition s’était soldée par un échec. Désormais, le canadien doit budgéter plus de 150 millions de dollars supplémentaires pour obtenir la pax romana. Avec les 612,5 millions de dollars récoltés par NTP, RIM entre dans le livre des records des procédures judicaires. La somme est stratosphérique mais rapportée au montant de sa trésorerie (près de 1,8 milliards de dollars), elle passerait presque inaperçue. Par cet accord à l’amiable, RIM s’engage à verser ces 612,5 millions de dollars d’une seule traite même si, d’aventure le Bureau des brevets donnaient tort à NTP. En contrepartie, NTP accorde l’exploitation de ses brevets. Jim Balsillie, numéro un de RIM commente aujourd’hui cette entente non sans espièglerie: « cela fait beaucoup d’argent pour des brevets qui ne survivront certainement pas ».

Le dénouement de cette affaire a été immédiatement et favorablement ressenti par le marché puisque l’action RIM a grimpé de 15% après l’annonce de l’accord, vendredi 3 mars. Désormais RIM peut concentrer ses efforts sur le plan marketing, pour faire face à ses nouveaux concurrents, à l’image de son CEO qui se déclare à l’issue de la procédure « confiant et excité par la nouvelle ligne de produits à venir ainsi que pour le futur de la technologie BlackBerry ».

Retrouvez dans notre rubrique Produits, l’ensemble des solutions Blackberry au banc d’essai.

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AUTOUR DE ZDNET
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